Il est temps de penser au temps, de travailler sur le temps, de réfléchir à la dimension du temps dans la pratique artistique, dans la construction des images, dans la règle des trois unités du théâtre classique ou des «diverses-unités» du théâtre contemporain, le premier étant particulièrement intemporel et le suivant particulièrement d’actualité. Rien n’est aussi daté que le «presqu’encore présent» et rien n’est aussi éternel que l’antiquité.
Violentes et sanguinaires, les oeuvres anciennes sont plébiscitées. Incisives et impertinentes, les créations contemporaines sont gardées à distance. Il faut que le temps fasse son oeuvre lui-aussi, pour qu’elles soient apprivoisées.
Pris de vitesse par le temps qui passe ou qui vient, chacun essaie d’en capter des éclats, d’en faire des images, d’en cerner quelques contours. S’atteler à une construction artistique collective, à une recherche sonore, à une lecture, permet à la fois de se concentrer sur le temps présent et de le dilater par le fait même de la concentration qu’on accorde à l’activité en cours. Apprendre, faire sien, «prend» du temps, nécessite de la persévérance. Construire un projet, se construire soi en construisant avec les autres, fait «gagner» du temps. Dès la mise en route d’un projet artistique et culturel, la pendule est enclenchée, la course contre la montre commence. L’énergie du groupe, le rythme des séances, le désir de parvenir à une concrétisation de ce qui est fait là, tous ensemble, dans l’espace-temps qu’est l’atelier, donnent le tempo, en sont les pulsations. Chaque atelier est un «précipité» d’un ensemble d’éléments dont le temps est le liant, la mesure invisible. Chacun pourra ensuite regarder les oeuvres à l’aune de sa propre perception, de sa propre expérience du «hic et nunc».
Certains sont marqués à tout jamais par cette fulgurance, d’autres l’oublient.., peut-être. Mais ce temps-là est à eux, à ceux qui l’ont vécu et rien ni personne ne pourra leur reprendre.
Chaque année, grâce au soutien indéfectible de la Mairie de Paris, à la confiance de multiples partenaires éducatifs et culturels, à la générosité des artistes et des enseignants, à ces compagnons de route que sont les membres du Conseil d’Administration de l’association et à une équipe de «rêveurs – réalistes» ou de «réalistes – rêveurs», des milliers d’élèves, d’enfants et de professeurs ont pu se saisir de ces respirations que sont les ateliers, et être saisis par eux ; des milliers de familles ont pu assister aux restitutions. Chacun a donné de son temps pour cette maison située à la croisée du geste et de l’image, cette maison qui les abrite et les fait éclore. Tous méritent un chaleureux salut.
Vive le temps curieux et inventif dont nos jeunes générations sauront faire preuve dans leurs futures réalisations.